Les petits bonheurs du jardin de Mémard ...

Au premier regard, on pense que le jardin n’est pas prêt, qu’il n’a rien à offrir à l’œil. En effet, de loin, il ressemble à une grande prairie qui se serait laissé envahir par de hautes herbes d’où cet aspect de friche. Seules quelques plantations d’arbustes et de bambous témoignent de l’action humaine.
On pourrait alors se contenter d’un passage rapide, emprunter simplement le chemin qui le traverse constitué de terre, façonné naturellement au fil du temps par le piétinement des promeneurs, comme un raccourci, l’utiliser comme un espace vert pratique pour prendre l’air, promener son chien.
Un petit papillon marron me frôle, retenant mon attention et activant ma curiosité. Je ne connais pas cette espèce, il faudra que je recherche son nom… Un second apparaît, puis un troisième. Ils filent à toute allure, se posant quelques instants sur les herbes puis repartant. L’un s’est posé sur une fleur violette, je ne l’avais pas remarquée. Accroché à une tige, j’aperçois un autre papillon, ses ailes sont blanches avec des rayures noires. Il reste immobile, sans s’effrayer de ma présence. Il parait si fragile, certainement tout juste sorti de son cocon.
Un peu plus loin, des pissenlits fanés me rappellent une sensation d’enfance : le plaisir sublime que je prenais à souffler dessus. Je reviendrai avec mes enfants.
Je m’arrête. Je respire. Je me laisse imprégner par une agréable petite brise de vent, par la douceur du matin… J’ai bien fait de venir. Je me sens bien. Dans le silence et le calme. Dans cet espace, ce jardin en mouvement, où la liberté évidente qui s’en dégage semble tenir un rôle primordial. Les événements se créent naturellement et avec patience. La beauté du lieu est toute autre, déconcertante, elle ne correspond pas à nos critères d’esthétisme.
Le jardin se situe au cœur de la ville et pourtant les voitures et le bruit si proches paraissent si lointains. Je suis déconnectée, le temps s’est suspendu.
Je replonge mon regard dans les herbes, à la fois observatrice et contemplative, à l’affût d’un nouveau spectacle. Les scènes de vie ne manquent pas, elles s’enchaînent de partout. Il y a tant à voir… Et si peu à raconter aux autres ! Ce sont des instants magiques et personnels. Des petits bonheurs à la fois simples et merveilleux qui nous rapprochent de l’essentiel et nous font tant de bien !
Au dernier regard, je quitte le jardin presque à regret. Je serais bien restée plus longtemps. Je me sens revigorée, pleine d’énergie. Je reviendrai… demain ! Et les jours qui suivront ! Prête à faire d’autres découvertes. Pour assister à la floraison de végétaux, rencontrer d’autres espèces de papillons… Pour être témoin des surprises que réserve le jardin de Mémard.

Sophie